Le Manoir Lafontaine en 2023
Printemps 2023 / spring 2023
︎Montréal
Le Manoir Lafontaine, c’est l’histoire d’une tour à logements qui, au printemps 2021, fut le théâtre d’une lutte entre locataires menacés d’évictions et propriétaires de la tour.
Une lutte où les locataires sortirent vainqueurs.

J’ai rencontré Nadine quelques mois après avoir naïvement photographié son immeuble. Elle m’offra de me faire visiter le manoir, de me raconter leur lutte et de receuillir des témoignages des quelques locataires encore présents.

S’il est facile de se rappeler d’un immeuble orné de multiples bâches bleues sur ses balcons que du nom : “Manoir Lafontaine”, c’est que la résistance des locataires fut largement médiatisée, et en partie grâce à ces bâches bleues.

Il ne reste aujourd’hui qu’un seul appartement arborant ces slogans, celui de Nadine. Une petite douzaine de ménages habitent toujours la tour sur la quarantaine initialement ayant pris part à la lutte.
Cela signifie près de 80 logements vides, en plein coeur de Montréa pendant plusieurs années.

L’exode graduel des locataires s’explique par les compensations offertes, le poid des visites au tribunal, mais aussi par la lente déterioration de l’état de l’immeuble, que Nadine dénonce être voulue.

Bien que la majorité des appartements restent en bon état, certains sont délabrés et complètement laissés à l’abandon. Odeur de moisi, frigos toujours en marche et trous béants dans les murs, tout y est.

Selon Nadine, Hillpark Capital et les propriétaires de l’immeuble auraient eu les moyens de laisser ces logements vacants et en perpételle érosion. Elle affirme que cet abandon était prémédité et visait à faire quitter les locataires en les épuisant, en les décourageant.

Nadine maintient que le respnsable de l’entretient, qui serait de mèche avec les propriétaires, prendrait part à cette stratégie de découragement en la harcelant.

Bien que Nadine soit la seule à pouvoir affirmer vivre ce harcèlement, ce n’est pas par hasard. Elle semble en effet avoir été l’un des cerveaux de cette résistance. C’est elle qui conçu la quasi totalité des emblématiques et provocantes bâches bleues et initia l’organisation de ces locataires dans les coulisses, ou plutôt les couloirs.

La coriace locataire su trouver les moyens de se défendre. On la voit ici confronter le concierge qu’elle aurait surpris à parler d’elle dans son dos avec un fonctionnaire, altercation qu’elle a pu répertorier grâce à une caméra corporelle.

Ici le même employé asperge excessivement de liquide nettoyant l’oeil magique de sa porte toutefois sans en faire ainsi sur les autres portes de locataires.

Or, les locataires obtinrent gain de cause. Les plans de réaménagement causeraint du tort aux locataires, ce qui n’est pas permis. Les négociations quant au rachat de la tour culmineront récemment avec l’acquisition par Interloge, un OBNL de la ville de Montréal.

Pour les locataires habitant toujours le manoir, certains depuis plusieurs décennies, cette nouvelle fut un immense soulagement. “Asteure qu’on a gagné, y’en aura d’autres qui vont se défendre” affirme Ginette.

Étant bien au courant de la crise du logement à Montréal, la superbe vue sur le plateau Mont-Royal que m’offre ces dizaines appartements vides me crée un profond désarroi.